Tilly, cher Tilly. Six ans déjà. Nous nous battons pour toi et les tiens. Nous ne baissons pas les bras. Résiste encore un peu, nous avançons vers ta liberté, vers votre liberté. Ton geste désespéré a été entendu. Résiste !
Aujourd’hui, après trente-trois ans de détention, Tilikum, alias Tilly, assommé de tranquillisants, flotte, immobile, face au mur. Sa nageoire dorsale est si flasque qu’elle lui pend sur le flanc. Triste écho du Vol au-dessus d’un nid de coucou, Tilikum a été puni d’avoir voulu briser ses chaînes. Seaworld, qui le veut vivant, l’a placé sous camisole chimique. C’est un « taureau reproducteur ». Sa semence vaut cher.
Pourtant, sa révolte suicidaire n’aura pas été vaine : grâce à lui, toutes les orques captives bénéficient désormais d’un nouveau regard du public. L’effet Blackfish continue à ronger SeaWorld et bientôt, toutes les entreprises qui exhibent des orques en bocal devront faire face à ce changement d’opinion. Tilikum est un lanceur d’alerte, un Spartacus parmi les orques !
En mer, aucune orque n’agresse jamais un humain. En captivité, les incidents se comptent par centaines. Pourquoi cette violence ? Les orques ne sont-elles pas heureuses, elles qui, selon SeaWorld, reçoivent les meilleurs soins vétérinaires et la meilleure cuisine gastronomique ? Non, elles ne le sont pas. L’orque a un cerveau extrêmement développé. Peut-être même plus que celui de l’humain…
Lorsqu’elle fut révélée par le livre Death at SeaWorld, puis par le film Blackfish en 2013, l’histoire de Tilikum a ému le monde entier. Clairement victime d’un lobby industriel, son accès de violence a paradoxalement révélé toute « l’humanité » des orques captives, toute la souffrance que ces esclaves géants ressentent, enfermés dans une fosse surpeuplée, et qui les fait basculer parfois du « côté obscur » de la force, pour reprendre les termes de John Hargrove.
Né dans les eaux glacées d’Islande, Tilly fut enlevé à sa mère et à sa tribu en 1983, à l’âge de deux ans. Il devint par la suite un mâle gigantesque, mais il n’en resta pas moins un grand timide mal dans sa peau. Au Sealand of the Pacific où on l’avait amené, on l’enfermait chaque soir dans un hangar avec deux femelles agressives. Chaque matin, il en ressortait couvert de blessures. Et, un jour, à bout de nerfs, il entraîna sa dresseuse par le pied et la noya. Un peu plus tard, il tua un vagabond qui avait probablement plongé dans son bassin. Mais pour SeaWorld, les états d’âme des orques ne doivent pas être connus. Le passé de Tilly a été dissimulé. Jusqu’à la mort de Dawn Brancheau, le 24 février 2010.
Le désespoir fou de Tilikum n’est pas resté sans écho. Sa vie misérable, sa colère, cette dignité qu’il tente désespérément de reconquérir, inspire notre combat. Nous ne voulons plus que les orques soient réduites en esclavage. Nous ne voulons plus les voir souffrir. Nous devons sauver Tilikum et les cinquante-cinq orques encore détenues dans le monde !